Le billetd’Édouard de Frotté Le billetd’Édouard de Frotté
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Voici pas mal de temps, équipé d’un nouveau tracteur au confortable habitacle, je m’amusai à provoquer un « ancien » venu par curiosité : « Je n’ai plus qu’à y installer la radio », lui dis-je. En souriant, il hocha la tête et observa : « Fais pas ça ; ça distraira ton regard du travail de la charrue. » Depuis, l’eau a coulé sous les ponts… Et d’ailleurs, ce n’est pas à proprement parler le regard qui se trouvait perturbé, mais la capacité d’attention. C’est du moins ce que nous apprend la science. Nous vivons aujourd’hui dans une sonorité dont nous avons généralement perdu conscience. Est-ce la peur du moindre atome de silence qui peut donner à la parole sa précipitation, au point que parfois m’échappent les propos de mes petits enfants ? Le bruit finit par manquer comme aux fumeurs, la cigarette. Plus scientifiquement, il est prouvé que les bruits que font les hommes perturbent le règne animal. On sait, par exemple, que les sonars des navires peuvent provoquer l’échouage des cétacés. Sans aller jusque-là, on apprend que les mésanges des villes doivent émettre, pour se comprendre entre elles, un son plus aigu que les mésanges de la campagne. Le bruit augmenterait l’hormone de stress, ce qui se traduirait par une baisse du système immunitaire, et des scientifiques, prenant à témoin les grenouilles, ont voulu démontrer qu’au long des routes bruyantes, les meilleurs mâles faisaient moins valoir toutes leurs capacités ! Disons enfin que le silence permet de se rapprocher du divin, si l’on en croit les moines chartreux qui tiennent à s’isoler dans leur montagne. Il rend plus perceptibles les beautés du monde et met en valeur les lentes maturations de la vie, comme le laissait entendre Paul Valéry en écrivant : « Patience, patience/Patience dans l’azur !/Chaque atome de silence/Est la chance d’un fruit mûr ! »
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